Farid Derbal. Chef de service du laboratoire Bioressources Marines de l’Université d’Annaba

«Rehausser l’île Srigina en réserve marine reste possible»
 
Dans la continuité du dernier article consacré à l’île Srigina, nous vous proposons aujourd’hui l’entretien intégral relatif au même sujet que nous a accordé Farid Derbal, chef de service du laboratoire Bioressources à l’université d’Annaba.
M Derbal, un fervent écologiste fait également partie, avec Kara Hicham, du Groupe d’étude du mérou (GEM), une association méditerranéenne créée en 1986 pour «connaître le mérou brun, estimer sa population, suivre son évolution dans le bassin méditerranéen et œuvrer à protéger cette espèce».
- L’ile Srigina renferme-t-elle réellement une riche biodiversité marine ?
L’île Srigina est un site côtier situé à 15 minutes de navigation à l’ouest de la plage Stora. Les plongées exploratoires que nous avons effectuées autour de l’île montrent l’existence d’un fond mixte (rochers, herbier à posidonie et sable). En effet, cette île renferme une biodiversité faunistique et floristique riche et diversifiée avec des habitats assez remarquables, tels que la présence dès les premiers mètres d’immersion, de la posidonie Posidonia oceanica, un phanérogame endémique à la Méditerranée dont son extension va jusqu’à environ une trentaine de mètres de profondeur. En l’absence de toute action anthropique limitrophe, cet herbier semble visiblement être en bonne santé vue la densité et la longueur de son feuillage qui dépasse 50 cm. Cet herbier constitue pour de nombreuses espèces de poissons (labres, sars, rascasses, murènes, badèches, etc.) et d’invertébrés (nacres, oursins, étoiles de mer, holothuries, poulpes, etc.) des zones de frayère et de nurseries. Les observations in situ (en plongée) ont permis d’observer la présence d’espèces communes à la Méditerranée, dont certaines considérées rares ou vulnérables selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). On peut citer à titre d’exemple, le mérou brun (Epinephelus marginatus), le poisson corbe ( Sciaena umbra) et la nacre épineuse (Sciaena umbra).
- Dispose-t-on d’un inventaire de la faune et de la flore de cette île ?
A ma connaissance, l’île Srigina n’a jamais fait l’objet d’inventaires exhaustifs aussi bien pour la flore que pour la faune.
- Srigina, renferme-t-elle les conditions pouvant faire d’elle une réserve marine ?
La présence d’espèces au statut écologique très particulier, comme c’est le cas de l’herbier à posidonie (P. oceanica), du mérou brun (E. marginatus), de la nacre (P. nobilis), est une preuve indéniable pour proposer l’île Srigina comme réserve marine. Toutefois, il est important de prévoir une étude plus exhaustive par des spécialistes, aussi bien au niveau de la qualité de l’eau qu’au niveau du compartiment biotique (inventaire de la faune et flore microscopique et macroscopique). La proposition de création d’un projet de réserve marine devrait impliquer tous les acteurs et instances concernés (tourisme, direction de la pêche, scientifiques, économistes, juristes, associations de la pêche, plongeurs sportifs et professionnels).
- Quelles sont, d’après vous, les menaces sérieuses qui pèsent sur cette île ?
Au cours de cette dernière décennie, cette île est convoitée abusivement par les autochtones, aussi bien par la population locale que par les plongeurs et les pêcheurs et les chasseurs sous-marins. La principale menace qui pourrait à moyen et long terme nuire cette île, est à ma connaissance la fréquentation abusive et non contrôlée par les visiteurs et les chasseurs sous-marins. La présence de visiteurs sur l’île signifie rejet et accumulation de déchets de nature diverse (sac et bouteille en plastique, canette, etc.), aussi bien sur l’île que dans l’eau. Quant à la chasse sous-marine, elle a été la principale cause de la raréfaction et/ou de la disparition des espèces de poisson noble, comme le mérou, la badèche et le corb.
Khider Ouahab
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