Le Nouveau Code Maritime Algérien

Dans l’histoire du droit de la république algérienne, une loi du 31 décembre 1962 avait reconduit dans tous les domaines la législation en vigueur à l’époque « sauf dispositions contraires à la souveraineté nationale » … « ou d’inspiration colonialiste ou discriminatoire … ou portant atteinte à l’exercice normal des libertés démocratiques ». Cette loi de 1962 avait donc pour effet de reconduire la législation maritime française en vigueur au 31 décembre 1962 qui était ancienne puisqu’elle s’inspirait du livre II du code de commerce, rédigé en 1807, promulgué en 1808. Par la suite, une ordonnance du 5 juillet 1973 est venue abroger la loi du 31 décembre 1962, et prévoir que toute législation devrait être algérianisée au 5 juillet 1975.
Cette ordonnance qui prévoyait dans son art. 3 qu’une instruction présidentielle en fixerait les modalités d’application ; or, cette instruction n’a jamais été donnée, a eu pour résultat d’accélérer le mouvement de codification et d’élaboration d’une législation spécifiquement algérienne. Et comme l’algérianisation à la date du 5 juillet 1975 n’a pu être tenu, le CMA ( 23/10/1976) prévoit la rétroactivité du code jusqu’à cette date dans son art. 887.
L’ordonnance n°76-80 du 23 octobre 1976 portant code maritime a paru au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire du dimanche 10 avril 1977.
L’avènement d’un nouveau code maritime était à cette époque un événement, et d’autant plus, en la circonstance, qu’il s’agissait d’une codification entreprise par l’un des pays leaders du tiers monde. Cette codification répondait à une nécessité évidente : l’économie algérienne dépendait de son commerce extérieur et celui-ci s’effectuait par voie maritime.
Avec la chute du mur de Berlin, la fin du monopole, et intervention du FMI, le législateur algérien a vu la nécessité de modifier quelques dispositions du CMA afin de le mettre en harmonie avec la réalité économique. ( loi n°98-05 du 25 juin 1998 portant code maritime).
Cette modification a touché le navire (I), sa nationalité; l’exploitation commerciale du navire (II), la libéralisation des transports maritimes, régime de responsabilité du transporteur. Ce nouveau code a apporté une révolution dans le domaine de l’exploitation portuaire ( III), en ouvrant les activités de manutention et d’acconage au privé.
Caractères principaux du CMA
Le premier caractère qui ressort de la lecture du CMA est son caractère internationaliste. Le législateur algérien s’y est procédé en très nombreuses occasions par référence directe aux règles des conventions internationales existantes et la loi française.
Le CMA ne s’aligne pas nécessairement sur les conventions internationales les plus « modernes » lorsqu’il existe plusieurs moutures réglant le même domaine ; d’autre part, il peut se faire que l’Algérie ait adhéré ou ratifié une convention internationale et s’inspire de la concurrente de celle-ci pour organiser sa législation interne. (ainsi, l’Algérie a adhéré à la convention de Bruxelles de 1925 sur les privilèges et hypothèques, mais s’inspire de la convention de Bruxelles de 1967 pour organiser ce domaine. Le CMA renvoie purement et simplement à la convention de Bruxelles du 25 Août 1924 dans sa version originelle pour ce qui concerne les transports maritimes sous connaissement ratifiée par l’Algérie mais il fait référence au protocole modificatif de 1968 (art.805), il renvoie directement à la convention de Bruxelles de 1957 sur la limitation de responsabilité des propriétaires de navires (art.96), à la convention de Bruxelles de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (art.121), la convention de Bruxelles de 1961 en matière de transport de passagers (art.), la convention de Bruxelles de 1967 en matière de transport de bagages par mer (art.824).
Dans d’autres domaines, la référence n’est pas aussi directe, mais l’inspiration reste certaine : ainsi la convention de 1910 inspirent certainement les règles de l’abordage et de l’assistance, alors que le règles de la Haye et York inspirent la réglementation des avaries communes (il s’agit pas là d’une convention internationale.
On trouve aussi référence à la convention des nations unis sur le droit de la mer (Monteo Bay 7/12/82), art.519 et art. 520, et la loi française : lettre de garantie (art.757) et les cas exceptés.
Notion de navire
Le navire est défini par l’art.13 comme : « tout bâtiment de mer ou engin flottant effectuant une navigation maritime, soit par son propre moyen, soit par remorque d’un autre navire, ou affecté à une telle navigation », et l’art.161 définit la navigation maritime comme celle qui est exercée sur mer et dans les eaux intérieures pour des navires tels qu’ils sont définis à l’art.13 de la présente ordonnance, et l’art. 162 stipule que la navigation maritime comprend :

la navigation auxiliaire relative au transport de marchandises et des passagers ;
la navigation auxiliaire concernant le pilotage, le remorquage, l’assistance et le sauvetage, le chalandage, le dragage, le sondage ainsi que la recherche scientifique en mer ;
la navigation de pêche… ;
la navigation de plaisance effectuée dans un but d’agrément ;
la navigation de servitude … .
Le CMA apporte des solutions quant à la qualification de certains objets et engins flottant en navire car d’une part, tout ce qui est affecté à la navigation maritime est considéré comme navire (un bateau de rivière est un navire), et d’autre part, les engins remorqués sont considérés comme navires.
Certains spécialiste de la question avancent 4 propositions pour définir un navire :

navire et dimension
navire, engin flottant
navire et eaux maritimes
navire et aptitude à affronter les risques de mer
le législateur algérien dans da définition du navire, la quatrième proposition n’existe pas car même les engins remorqués qui ne sont pas aptes à affronter les risques de la mer d’une part, et d’autre part ils sont dépourvus d’autonomie de conduite, sont considérés comme navire selon l’art.13.
Ces même spécialistes estiment qu’il faut exiger un minimum d’autonomie pour affronter les risques de la mer, les chalands tractés et les engins de forage peuvent être des engins nautiques, des bâtiments de mer. Ils ne sont pas des navires.
Il ajoute aussi, que le navire inapte à affronter les risques de la mer devient innavigable ce qui lui fait perdre la notion de navire. Il devient autre chose, soit une épave s’il est abandonné et gît au fond de l’eau, soit un simple engin, s’il est utilisé à d’autres fins que la navigation.
Le CMA est un droit des navires et non un droit des engins nautiques
Dans le fond...
Le CMA constitue la partie intégrale de la législation maritime algérienne. Cette nouvelle modification aura véritablement d’intérêt sur le plan interne, d’une part, comme la libéralisation des transports maritimes, les activités de consignation de navires, de cargaison et de courtage maritime dans le but d’encourager les investisseurs nationaux et étrangers, pour assurer une indépendance vis-à-vis des armements étrangers. Aussi la démonopolisation des activités de manutention et d’acconage constitue une grande chose dans l’exploitation portuaire algérienne, surtout qu’à une certaine époque, ces activités caractérisaient les transports vers l’Algérie. D’autre part, ce nouveau code marque un recul par rapport à l’ancien quant aux conditions d’algérianisation des navires et la participation des étrangers personnes physiques, et l’exercice des activités d’affrètement.
Sans que l’Algérie ait ratifie les nouvelles conventions internationales, elle s’inspire de leurs dispositions en les insérant dans le code maritime.
Ce nouveau code reste muet sur certaines questions importantes comme l’algérianisation des navires loués en crédit-bail ou affrétés coque nue par une personne physique ou morale algérienne, le caractère solennel ou d’ordre probatoire du contrat de manutention et d’acconage, l’avis du manutentionnaire quant à l’applicabilité des clauses de mandat insérées dans les connaissements.
Le développement d’une jurisprudence montrera quelques imperfections de ce code : conversion du Franc Poincaré en Dinar Algérien, l’interprétation de la notion de valeur « courante » et « usuelle », validité des clauses de mandat, et le régime de responsabilité de l’acconier.
Enfin, nous pourrons dire que l’Algérie a procédé à une grande étape dans le système de réforme engagé.
sources : www.el-bahri.com

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