La construction navale empreinte de savoir-faire constitue pour Oran un motif de fierté qu'elle étreint depuis la nuit des temps et les ports de la région.
Certaines des zones industrielles d'Oran abritent sept unités de construction navale, en majorité des legs familiaux transmis de grand-père à fils dont l'empreinte du savoir-faire des aïeux se retrouve, à touches visibles, sur les embarcations qui défient depuis l'indépendance le ressac des vagues et la force des courants marins à la recherche de poissons et autres richesses halieutiques. Cette activité jalousement préservée par des familles connues à Oran pour leur amour à la mer a résisté au temps, à ses agressions et à sa houle.
Des noms comme Polyor, Sahraoui, 3 S ou encore Arzew Marinesont devenus des labels connus, affichés fièrement sur la proue de certaines felouques et autres embarcations qui voguent “toutes voiles dehors” sur les flots qui baignent le littoral du pays. La construction navale artisanale de petits métiers de pêche, grâce au bois qui a puisé sa force et sa pureté des sols des forêts oranaises, a fait la renommée de l'entreprise Sahraoui. Ce savoir-faire, dit-on, a été introduit dans la région par les marins andalous qui avaient fui la répression au lendemain de la chute de Grenade. Cette technique a résisté au temps et à la poussée du modernisme jusqu'en 1981 quand une forte tempête avait balayé le port d'Oran et emporté, comme des fétus de paille, les petites barques en bois amarrées aux quais du port de pêche. Seules les embarcations, réalisées à partir d'un alliage métallique très léger, avaient résisté à la déferlante qui s'était abattue ce jour-là sur la jetée du port d'El Bahia. Ce constat fut un tournant déterminant pour la construction navale dans la région. Les pêcheurs qui défendaient vaille que vaille le modèle de bateaux en bois se sont rendus compte que même le métal pouvait servir de matière première à des barques capables de flotter et de gagner la haute mer.
Les bateaux fabriqués à base de métal, de polyester et de fibre de verre partent, depuis, à l’assaut de la mer. Mais cette renommée construite laborieusement ne peut pas cacher les difficultés des artisans qui continuent d'affronter des écueils multiples pour ne pas disparaître. M. Larbi Rahmoune, responsable des ateliers “3 S” au port d'Oran et M. Gaouar Malek, gérant de l'entreprise “Polyor”, implantée dans la zone industrielle de Hassi Ameur, estiment que les artisans de l'Oranie ont participé dans une large mesure à la construction de la flotte de pêche de toute la région. “Cette longue expérience n'a pas fait d'eux des partenaires écoutés et consultés par les pouvoirs publics durant de longues années, pour l'élaboration de la stratégie de développement du secteur. Le recours à l'importation de métiers de pêche et l'absence de projets de ports, de cales sèches, d'ateliers de réparation et de construction de bateaux ont freiné l'essor du secteur de la construction navale en Algérie”, ont-ils estimé.
L'année 2001 constitue, selon les mêmes sources, un tournant pour le secteur. Les pouvoirs publics conscients des enjeux ont donné une nouvelle impulsion à la stratégie du secteur. Le ministère de tutelle prête aujourd'hui une oreille attentive aux artisans et débat avec eux de leurs préoccupations et leurs aspirations. La politique de développement n'est plus perçue aujourd'hui comme un carcan réducteur capable de briser un élan prometteur mais comme une somme d'objectifs à atteindre et des échéances prometteuses. Dans ce contexte, le directeur de la pêche à Oran estime que la construction navale en Algérie a connu un essor grâce aux différents programmes définis depuis des années. “Seulement, des dysfonctionnements nés de l'incapacité des constructeurs à servir les grands objectifs définis ont fait leur apparition et entravé le développement du secteur”, indiquera ce responsable qui déplore l'absence d'ateliers en mesure de bâtir des chalutiers longs de 20 mètres et équipés de matériel moderne et professionnel pouvant leur assurer de longues marées en haute mer. Le programme de relance économique, estime la même source, a permis, entre 2001 et 2004, la concrétisation de 14 opérations parmi lesquelles la réalisation de sardiniers longs de 10 et 16 mètres, équipés de matériels modernes et l'acquisition de filets de pêche de différents types de mailles pour un montant global estimé à 110 millions de dinars dont 36,6 millions sous forme d'aides apportées par l'Etat. Vingtcinq (25) autres projets de construction de thoniers, sardiniers et de réalisation d'une ferme de pisciculture, en cours d'installation, sont inscrits, pour un budget de 2,08 milliards de dinars, dont 298 millions de dinars sous forme d'aides de l'Etat, au titre du même programme de soutien au secteur. L'utilisation rationnelle des ateliers locaux de construction de chaluts de pêche est devenue nécessaire, a indiqué un responsable du secteur de la pêche dans la wilaya d'Oran. Ces derniers doivent se conformer à certaines normes et standards internationaux leur permettant d'assurer une production fiable et de respecter les délais de livraison. Pour ce faire, précise la même source, ils doivent se soumettre à une remise à niveau et recourir aux conseils de bureaux d'étude spécialisés qui sont encore peu présents à Oran. Les constructeurs et les responsables du secteur dans la wilaya d'Oran déplorent l'absence de l'université surtout l'Institut de génie maritime d’Oran (IGMO) qui forment annuellement des dizaines d'ingénieurs spécialistes qui ne trouvent pas preneur dans le marché de la main-d'œuvre locale, en raison d'un manque de coordination entre l'université et les structures du secteur. “Ceci nous pousse à appeler à une refondation des rapports entre l'université et les opérateurs du secteur de la pêche pour élaborer des plans de formation en adéquation avec les besoins exprimés du secteur”, souligne-t-on à la Direction de la pêche.
Dans le cadre du programme de soutien à la relance économique 2005/2009, une réflexion est actuellement engagée pour concrétiser plusieurs objectifs parmi lesquels la réalisation d'infrastructures navales de base comme les cales sèches et de halage ou des ports en mesure d'offrir une prestation de qualité à la flottille de pêche en constante évolution. Dans un souci de réorganisation du secteur de la construction navale, les participants au dernier Salon international de la pêche et de l'aquaculture, une association nationale des constructeurs d'embarcations a vu le jour. Cette initiative a été favorablement accueillie par les pouvoirs publics qui y voient une structure en mesure de servir d'interlocuteur dans l'élaboration de programmes de développement futurs du secteur de la pêche.
APS