VIRÉE SUR LES PLAGES DE BÉJAÏA Villégiature sur fond de nostalgie


De Sahel jusqu’à Beni Ksila, At Ksila en passant par Tazeboudjt, Boulimat, Aach Lvaz, Tala Yilef, Saket, Tighremt, Oued Dess, Cap Sigli et Aït Mendil, Larbi connaît toutes les plages et criques pour y avoir nagé, pêché et campé avec des amis du quartier.

Avec la canicule qui sévit depuis son arrivée de France, Larbi n’a qu’une envie : aller à la plage et faire découvrir la côte Ouest à sa fille de 10 ans, Fifi. Il l’a appelée ainsi en mémoire de sa grand-mère maternelle, qui décédera un mois après son départ en France pour y tenter sa chance à la fin des années 1980. De Sahel jusqu’à Beni Ksila, At Ksila, en passant par Tazeboudjt, Boulimat, Aach Lvaz, Tala Yilef, Saket, Tighremt, Oued Dess, Cap Sigli et Aït Mendil, Larbi connaît toutes les plages et criques pour y avoir nagé, pêché et campé avec des amis du quartier. Il faut dire qu’il avait fait toute la côte Ouest à pied en poussant jusqu’à Azeffoun avec son ami d’enfance, Méziane, qui va arriver, lui, du Québec dans 48 heures. Les deux compères avaient tout préparé depuis les fêtes de fin d’année où ils s’étaient retrouvés à Malaga en Espagne. Larbi, qui a des origines andalouses, a voulu faire découvrir l’Andalousie à son ami d’enfance et plus particulièrement à sa fille, qui commence à poser des questions et à s’intéresser à l’histoire de la famille ; son aïeul, cadi, juge et jurisconsulte, avait été appelé par Nacer Ibn Hamad pour y exercer cette fonction et y enseigner à l’université de Béjaïa durant son règne, le règne des Hammadites s’entend. Un souverain issu de la dynastie hammadite, qui règna sur le Maghreb central (Algérie) de 1062 à 1088. Pour Méziane, c’est aussi humer l’air méditerranéen et profiter d’un peu de soleil ; au Québec, sa ville d’adoption, le froid est glacial. Bien qu’il vienne de France, de Grenoble plus précisément, Larbi fuyait aussi le froid qui y sévissait en cette période de l’année. Leur projet : sillonner à nouveau la côte ouest de Bougie de leur enfance après avoir visité, dix jours durant, toute l’Andalousie et ses principales villes, Cordoue, la Province de Grenade mais cette fois-ci, non pas avec des sacs à dos comme ils l’avaient fait dans leur jeunesse, mais en voiture. Et avec les épouses et leurs deux enfants ; Méziane a un garçon, Jugurtha.

Un été chaud et humide
Larbi, qui doit attendre encore l’arrivée de son ami, a eu le temps de prendre la température. Il en a profité pour rendre visite à la famille et fait en sorte de ne pas être pris de court les derniers jours. Mais devant la canicule, qui sévit, accentuée par une série d’incendies, il ne sait plus quoi faire. Tout le monde semble logé à la même enseigne. Son oncle, âgé de 83 ans, lui a assuré qu’il n’avait jamais connu un été aussi chaud et aussi humide. “Prendre sa douche, ne sert strictement à rien puisque de toutes les façons, nous allons transpirer comme des b…” Le Grenoblois a décidé d’emmener sa fille aux Aiguades, histoire de lui faire découvrir la plage où il avait appris à nager avec les copains du quartier. Vers 15h30, il prend sa voiture. Mais il s’est vite rendu compte qu’il aurait fallu venir à l’aube. Sur la route des Oliviers d’où il est arrivé, le va-et-vient des voitures est incessant. Il constatera aussi qu’il n’est pas le seul émigré à prendre sa voiture, une Renault Espace. Les véhicules immatriculés en France ont été particulièrement nombreux cet été. Et on y vient de toutes les wilayas du pays quoique le gros des estivants ait choisi, semble-t-il, Jijel. En arrivant aux Aiguades, Larbi a renoncé à descendre à la plage tellement elle grouillait de monde. Impossible de se frayer une place. Ils se sont désaltérés en buvant l’eau fraîche des fontaines avant de rebrousser chemin. La mer, ce sera un autre jour.
Et en compagnie de Méziane, dira en kabyle le paternel à sa petite fille. Les deux amis d’enfance se sont fixé rendez-vous. À 8h30, le véhicule de Larbi stationne devant la maison parentale du Québécois. Ils avaient convenu d’abord de n’emmener que les enfants. Histoire de faire face à tous les imprévus. Mais ils se sont ravisés à la dernière minute. Sur la route, le trafic est des plus denses. Les véhicules légers y côtoient tout au long de la RN24 des camions de gros tonnage. “Il faut s’armer de patience les enfants ; on risque de passer un peu de temps sur la route”, dira Larbi aux occupants de l’arrière, qui avaient les yeux braqués sur leurs tablettes.

Les collines gagnées par le béton
Et à mesure qu’avance le véhicule après avoir entamé la descente après l’embranchement menant vers le village Iazouyen, le décor ne laisse pas indifférents les deux jeunes enfants ; les femmes constataient le changement à vue d’œil. Ils découvrent de très jolies montagnes même si le béton grignote sur la verdure. Mais plus le véhicule avance, plus le décor est amoché ; des montagnes et des collines sont “dénudées” de part et d’autre de la route par des explosifs, utilisés par les deux carrières d’agrégats pour venir à bout de roches résistantes. Coup de massue : une décharge publique – la fameuse décharge dite de Boulimat ­­— où sont brûlées les ordures ménagères de la ville. Et tout au long de la route, des deux côtés de la chaussée, des ordures et des bouteilles d’alcool vides. Larbi et Méziane se demandent si c’est une bonne idée d’avoir fait venir les enfants. Les adultes encaissent mieux. En arrivant aux environs de Sahel, ils tournent à droite pour descendre vers la plage de Galets. Ils ont vu pousser des maisons et des blocs de béton. En voyant les collines dégarnies, les deux “touristes” comprennent qu’une nouvelle ville est en train de naître sous leurs yeux. Ils décident d’aller à Tazeboudjt quoiqu’ils appréhendent de trouver le même décor là-bas aussi. Les constructions du versant de droite rejoignent celles de Sahel. En reprenant la RN24, ils décident d’aller directement à la plage de Boulimat.
La mer est belle, d’un bleu, qui tranche avec la côte Est. En face, apparaît l’Île aux Pisans. Ils s’arrêtent pour la contempler et la photographier. Larbi a assuré aux enfants que lorsqu’il était adolescent il avait réussi, avec ses camarades du quartier, à l’atteindre à la nage. Mais le retour ils l’ont fait en barque, confiera-t-il. “Les deux hommes à bord nous ont épargné de faire le retour à la nage. Il faut dire que nous étions exténués.” En descendant jusqu’à la plage, Méziane, qui n’est pas revenu au pays depuis 25 ans, n’en croyait pas ses yeux. Le béton est partout. La plage a été réduite à sa plus simple expression. Ils décident de poursuivre leur périple. Et de faire une halte à Saket. Ils passent par Lâch Lvaz et Tala Yilef. Les touristes découvrent le nouveau port de pêche. “On s’y arrêtera au retour, a promis Larbi aux enfants. Cela vaut le détour.” Après s’être arrêtés à Saket pour prendre des rafraîchissements, ils ont décidé de rejoindre Tighremt. Sur place, ils décideront dans quelle plage ils iront se baigner.

Quelques havres de paix
Mais aussi bien à Tighremt qu’à Timridjine – un peu plus loin — les plages sont noires de monde. “C’est le week-end, forcément il y a plus de monde”, dira Larbi. Finalement, c’est à Oued Dess que les six vacanciers ont planté leurs deux parasols. Ils ont hésité à s’arrêter un peu avant à la plage de Tardemt. Sur place, plusieurs familles sont essaimées sur la grande plage. C’est après plus de deux heures de route, ponctuées par des arrêts, que les quatre touristes piqueront une tête. Les enfants sont aux anges. La beauté du site. Hormis les baraques en bois où on y vend un peu de tout l’endroit est plus ou moins épargné par le béton. Mais jusqu’à quand ? Sur les hauteurs, on voit le village de Souk el-Djemaa. Larbi a promis de les emmener un autre jour. Et de visiter, dans la foulée, Cap Sigli, Aït-Mendil, At Ksila jusqu’à Azeffoun en passant par Aït-Chaffaa, Oulkhou où est enterré le journaliste Tahar Djaout. Occasion pour les deux amis de raconter à leur progéniture leur “expédition” à la fin des années 1980 lorsqu’ils avaient fait, à pied, toute la côte ouest jusqu’à la plage des Caroubiers à Azeffoun. “On avait des sacs à dos. La première nuit, on l’a passée ici même, à Oued Dess. On avait trouvé des copains, qui campaient. On a passé la soirée avec eux ; ils nous avaient invités à dîner. Le lendemain, vers 7 heures, nous avons repris notre marche. Lorsqu’il faisait chaud, nous nous arrêtions ; nous allions nager et en fin d’après-midi, nous poursuivions notre marche. Notre deuxième nuit, nous l’avons passée à Beni Ksila. Nous avons eu de la chance car nous avons rencontré des connaissances qui ont mis à notre disposition une tente. Nous étions leurs hôtes de la soirée.” À entendre leurs parents, les enfants considéraient leurs parents comme des stars avant d’émigrer tellement ils semblaient connaître de gens dans ce qui était alors un no man’s land. “Non pas du tout”, a rétorqué Méziane. “Nous avons eu de la chance de trouver des amis et des connaissances durant nos premières escales. À Aït-Chaffaâ, nous ne connaissions personne. Mais le soir, nous nous sommes mêlés aux campeurs ; nous avons dîné avec eux. Nous avons pris des photos. Idem au Petit Paradis, une jolie plage à découvrir. En ce temps-là, il y avait l’esprit de partage.” Et Larbi d’ajouter : “Nous nous étions fait des amis à Azeffoun. Nous avons eu droit aussi à une tente d’autant que ce jour-là, il y a eu un orage.”

Sources ; http://www.liberte-algerie.com/actualite/villegiature-sur-fond-de-nostalgie-276073

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